Alfredo Arias, homme de théâtre, et René de Cecatty, homme de plume, sont de retour.
Par Franck Davit
Ces deux-là ont déjà à leur actif le magnifique spectacle Tatouage, qui narrait les aventures de l’infortuné Miguel de Molina, artiste de music-hall espagnol persécuté par le pouvoir franquiste, croisant sur sa route Eva Peron. Ils récidivent avec Cinelandia, un nouveau spectacle musical en forme d’hommage baroque au cinéma argentin. Arias est lui-même argentin et s’est inspiré de 4 films en particulier pour donner chair et corps à ce défilé de fantômes hauts en couleurs et en sortilèges. Des films entre mélodrames un tant soit peu extravagants et polars vénéneux, le tout quelque part entre Bunuel, Hitchcock et Sternberg.
Les faisceaux de cette séance nostalgie très spéciale dessinent sur les écrans de l’imaginaire l’ombre portée d’une Argentine aussi aimée qu’haïe, mais ce sont surtout les pouvoirs magiques du théâtre qui sont ici une fois de plus célébrés. L’art de l’illusion et le rire salvateur, « comme un état de lucidité sur les gens et les choses – le plus formidable recul sur notre condition », déclarait ainsi récemment Alfredo Arias au Figaro à propos de Cinelandia.
Envoûtant et habité
Car on rit beaucoup, en effet, tout au long du spectacle, et on jubile de plaisir devant le quatuor de talents qui évoluent sur la scène, chantent, dansent et se donnent la réplique. Au premier rang desquels Arias lui-même, qui met en scène ce puzzle façon lanterne magique tout en interprétant son propre rôle de narrateur, homme de la mémoire et du songe. Autour de lui, Sandra Guida et Alejandra Radanao, un formidable duo de chanteuses comédiennes, déjà présentes elles aussi sur d’autres productions du maître franco-argentin (dont Cabaret Brecht Tango Broadway) et Antonio Interlandi.
Pour servir le dessein d’Alfredo Arias, René de Ceccatty (à qui l’on pardonne d’avoir écrit de méchantes choses sur Fred Astaire dans son livre consacré à Greta Garbo, en vertu de sa collaboration avec Arias) imagine en guise de trame parlé du spectacle les interviews des 4 interprètes principaux des films évoqués au cours de Cinelandia. On se retrouve ainsi devant un objet scénique scintillant de l’intérieur, dans l’écrin d’un plateau théâtral nu. Quitte à ce qu’il y ait aussi de la lumière noire dans tout ça, il n’y a plus qu’à se laisser enchanter par cette production, aussi envoûtante qu’habitée.
Cinelandia
Théâtre Anthéa d’Antibes
le 23 janvier à 20h
www.anthea-antibes.fr