Exposition Julião Sarmento
Le gouffre aux chimères
Un artiste portugais embrase le MAMAC (Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain) , via une exposition qui met le feu aux poudres de nos yeux, et plus si affinités…

Sur le côté, la photo d’une femme en long déshabillé satiné, qui semble courir sur un chemin dans la nuit. Au centre, un carré noir comme une césure dans la composition, puis reprise de la photo initiale avec cette fois juste les buissons qui bordent le chemin. Le tout forme un triptyque, bordé par une frise expliquant en 3 petits dessins le maniement de baguettes chinoises. D’emblée, dès la première salle de l’exposition que lui consacre le MAMAC, Julião Sarmento annonce la couleur de son travail. Quelque part entre cet obscur objet du désir qui irrigue le cinéma d’un Luis Buñuel et une variation moderne sur le célèbre tableau de Courbet l’Origine du monde. En d’autres termes, on est ici résolument du côté des facéties, lubies et autres obsessions liées à la libido masculine, à sa perception de la chair de l’autre sexe. L’artiste portugais n’en fait pas mystère, et le voudrait-il que son œuvre parle pour lui, explicitement ou presque ! Mais tout est là précisément, dans ce jeu voilé d’allusions qui nourrit la braise de son art, sorte d’énigmatiques rébus dont les motifs viennent ponctuer ses tableaux. Comme dans un langage de signes secrets, les mains sont ainsi très présentes dans sa peinture, ses collages et ses dessins, mais pas trace du moindre visage. On est dans le pur fantasme et une représentation cérébrale des forces en présence, où la sourde aimantation du désir fractionne le corps féminin, en fait la matière d’une compulsion aveugle, qui ne laisse pas de place à l’incarnation d’une femme en particulier.
L’inconscient en surchauffe
A ce prisme, l’exposition du MAMAC diffuse les ondes d’un érotisme où le fétichisme s’invite en filigranes. Fétichisme de la petite robe noire en l’occurrence, qui donne lieu à de multiples variations dans l’œuvre de Sarmento. Fétichisme de la femme fatale dans le film noir hollywoodien, qui se focalise autour de l’aura d’une star, Marlène Dietrich, dans 4 sérigraphies… Les yeux des visiteurs (et des visiteuses) pourront se pourlécher au spectacle de bien d’autres choses. Une sculpture d’après la Danseuse de Degas, réalisée à partir d’une imprimante 3D. Une vidéo tout en rondeurs. Une installation, White Spirit, qui semble commencer comme la séquence du film de Jerry Lewis, Le tombeur de ces dames, où le héros pénètre dans une chambre blanche peuplée de femmes, et finit sur des images crues du film de Pasolini, Salo. Julião Sarmento s’amuse et se délecte des mille et une affres et délices de l’inconscient en surchauffe, et nous avec lui !
Jusqu’au 30 novembre / www.mamac-nice.org
Exposition Julião Sarmento par Frank Davit
Exposition Julião Sarmento