La photographe plasticienne Natacha Lesueur nous plonge dans les abysses de son travail, à la surface des apparences. Un regard en profondeur sur les affres d’être femme…
Body art sur photo ? Institut de beauté en délire ? On dirait d’abord que le travail de Natacha Lesueur jaillit d’une boîte de Pandore baroque et folle. Comme si ses créations gravitaient dans un champ de lentes convulsions artistiques. Quelque chose d’un poème comme les Chants de Maldoror de Lautréamont et d’un univers à la Alice au pays des merveilles, en mode délices punk. L’art de Natacha Lesueur joue à la poupée avec style et brio. Avant de les photographier, elle pare ses modèles. Coiffures, bijoux, toilettes, maquillages, tout ici fait preuve d’une belle luxuriance visuelle, d’une savante mise en pli des effets esthétiques mais il ne s’agit que d’un vernis.
© Natacha Lesueur, « Carine », 2015, 100 x 80 cm, Photographie analogique, Épreuve Lambda sur ilfoflex
Songe toxique
Et il apparaît très vite que ce vernis craque de toutes parts sous le regard de l’artiste. Qu’il se détraque sous nos yeux. C’est alors un songe toxique qui se consume devant nous. Celui de la beauté, de la féminité codifiée, figée dans les stigmates d’une coquetterie aliénante… « Je poursuis mes explorations autour l’apparence « genrée », ces façades corporelles héritées, que l’on désire ou que nous sommes contraintes d’afficher… Marqueurs identitaires, véhicules et symboles des mascarades de la féminité, je cherche à révéler à la fois les manifestations de l’expression d’une astreinte sociale et culturelle et l’expression symbolique de l’intériorité, la matérialisation d’un processus inconscient d’une autre part », analyse Natacha Lesueur. Au Bonheur des dames ? Dans les faisceaux des images de celle-ci, les apparences glissent du miroir au mouroir, enfant cette représentation de femmes-créatures, un peu chimères un peu spectres, saisies dans les spasmes d’une agonie métaphorique.
De gauche à droite
© Natacha Lesueur, Sans titre, photographie analogique, épreuve pigmentaire sur papier fine art encadrée, 110 x 87 cm
© Natacha Lesueur, « Sans titre » 2010, 125 x 180 cm, photographie analogique, impression pigmentaire sur papier fine art courtesy © galerie Eva Vautier
© Natacha Lesueur, Autoportrait courtesy © galerie Eva Vautier
De Cannes à Paris
Natacha Lesueur est une enfant du pays. Elle voit le jour à Cannes, poursuit des études d’art à Nice, à la Villa Arson, et se fait connaître très tôt pour sa série d’Arrangements culinaires. Dans ces photos, elle emballe des femmes dans toutes sortes de nourriture, créant des êtres en gelée pour ainsi dire. Portée esthétique de sa vision, prisme exacerbé de sa perception des choses, Natacha Lesueur fait mouche. Aujourd’hui, elle vit et travaille à Paris, expose à travers le monde entier. L’an dernier, 2 expositions ont salué son talent sur la Côte d’Azur, à Nice, à la Galerie Eva Vautier et à la Galerie de la Marine.
© Texte de Frank Davit