Espen Oeino : « À l’avenir, les yachts seront moins ostentatoires. »

Installé à Monaco depuis une vingtaine d’années, cet architecte naval norvégien a imaginé et dessiné quelques-uns des plus grands yachts de la planète. Sa dernière réalisation : le REV Ocean, un navire révolutionnaire dédié à l’exploration scientifique. Rencontre.

Comment êtes-vous arrivé à travailler dans le monde du yachting ?

Je suis originaire de Norvège, là où j’ai grandi et commencé à naviguer sur des petits voiliers. Un des pays au monde avec la plus forte proportion de bateaux par habitant, de l’ordre de 1 million d’unités pour une population d’environ 5 millions de personnes. J’ai toujours été fasciné par les navires de commerce et tout ce qui navigue. Le hasard et mon cursus étudiant ont fait que j’ai découvert dans ma jeunesse la Côte d’Azur, la région qui concentre de nombreux yachts. Au début des années 1980, quand je suis arrivé à Antibes, j’ai tout de suite été fasciné par son port, ses paysages et tout ce qui tourne autour. J’ai suivi des études d’ingénieur en génie maritime en Écosse, mais mon premier vrai projet professionnel a réellement débuté en 1986 à Antibes. J’ai travaillé avec Martin Francis sur le projet d’un motor-yacht baptisé « Eco », alors que j’ai toujours rêvé de dessiner des voiliers !

Il y a 20 ans, vous avez choisi de vous installer à Monaco dans un bureau qui regroupe 25 personnes. Pourquoi la Principauté est-elle devenue aussi importante dans cet univers ?

Aujourd’hui, nous avons le privilège de travailler dans cet endroit qui est devenu, en quelques années, la capitale du yachting en Europe et même dans le monde. Outre le célèbre Yacht Club de Monaco, la Principauté propose une offre incroyable en matière d’hôtels, de restaurants et d’adresses luxueuses pour le shopping. C’est aussi une ville sûre qui reste un atout majeur pour cette clientèle des yachts. Mais n’oublions pas les autres villes comme Cannes, Nice, Antibes et tous les ports de la Côte d’Azur, qui demeure la destination préférée des « yachtmen » du monde entier.

Quelles sont vos récentes réalisations ?

Nous venons de lancer un nouveau petit bateau à moteur, le SR 40, dessiné à partir de ma propre expérience sur l’eau. Un day-boat du chantier Windy qui me tient à cœur, car c’est une marque norvégienne. Au même moment, nous travaillons sur un projet de plus grande envergure : le REV Ocean. Un navire révolutionnaire de 183 mètres dont la conception technique a débuté en Norvège avant de rejoindre le chantier Damen aux Pays-Bas où il va passer deux ans pour être « pouponner » et devenir un yacht d’exploration. C’est un navire impressionnant avec des aménagements pour la recherche sur les océans, capable d’embarquer 35 scientifiques ou techniciens. À bord, il y aura notamment un amphithéâtre, des salles de classe pour accueillir des élèves, ou encore une ouverture qui permettra de lancer un sous-marin dans une mer glacée. Imaginé par un industriel norvégien passionné comme moi par la mer et très engagé dans ce projet, le REV Ocean n’a pas d’équivalent aujourd’hui dans le monde. Nous collaborons aussi à un projet de résidences privées flottantes qui est encore plus grand. Dessiner un bateau Windy de 12 mètres ou le REV Ocean démontre toute la diversité de notre travail. Les deux sont tous aussi excitants !

Comment voyez-vous le futur du yachting ?

Nous sommes les premiers témoins du changement climatique et contraints à essayer de réduire au maximum la consommation d’énergie à bord des bateaux. Nous essayons de dessiner des coques plus fines qui réclament moins d’énergie et créons des bateaux qui consommeront moins à l’arrêt. Par exemple, on sait qu’un yacht consomme en moyenne 50 % de climatisation au port ou au mouillage. Nous travaillons sur des géométries, des isolations qui permettent de réduire les températures intérieures, comme les maisons d’antan qui n’avaient pas de climatisation. On travaille sur les couleurs de coque ou la création de navires qui peuvent être ventilés naturellement… Il y a toujours une brise en mer ! Le bateau de demain proposera moins d’espaces intérieurs, mais plus de volumes extérieurs, abrités du vent, de la pluie et du soleil. On regarde aussi ce qui passe avec les foils, comme ceux des catas de la Coupe de l’America, pour réduire la consommation en carburant et les frottements. À l’avenir, les yachts seront plus petits, et moins ostentatoires…

Rev Océan © DR
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Photos : Rev Océan © DR

Cover : © Guillaume Plisson

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