Fred Allard : L'art d'exhiber les paradoxes

L’artiste néo-pop niçois, dont les œuvres sont exposées dans le monde entier, a récemment inauguré sa propre galerie d’art immersive de 200 m2 sur l’une des plus prestigieuses avenues de Nice, entre les deux nouveaux hôtels 5 étoiles Anantara Plaza et Maison Albar – Le Victoria. Le portraitiste, qui vient de signer une collaboration exclusive avec l'Hôtel du Cap-Eden-Roc, partage son parcours inspirant.

Que pouvez-vous d’ores et déjà révéler de votre collaboration avec l’Hôtel du Cap-Eden-Roc ?

Elle sera dévoilée lors de la réouverture de l’hôtel en avril prochain. Elle fait revivre artistiquement l’âge d’or de l’Eden Roc et de la Côte d’Azur à travers une collection capsule unique de plus d’une vingtaine d’œuvres (tableaux et sculptures) qui seront exposées, et exclusivement vendues sur place. Je me suis inspiré du livre d’or de l’hôtel, qui a attiré, depuis sa création en 1863, le who’s who des arts et de la jet-set : Pablo Picasso, Charlie Chaplin, Elizabeth Taylor, Madonna, Sharon Stone… et a été le décor iconique de superbes clichés de Slim Aarons. J’ai revisité cette histoire mythique que j’ai figée dans des toiles, des sculptures Paper Bags et des Collectibles. Pour cette dernière serie, j’ai moulé des objets emblématiques de l’hôtel que j’ai ensuite cristallisés dans des sculptures transparentes en résine. Par ailleurs, l’une de mes œuvres sera vendue aux enchères au profit de l'AmFAR, la fondation de Liz Taylor pour la lutte contre le sida, lors du dîner de gala du Festival de Cannes. Je suis honoré de collaborer avec l'Hôtel du Cap-Eden-Roc, dont le directeur, Philippe Perd, m’a été présenté par l'un de mes collectionneurs. Il est venu à la galerie et a flashé sur mon univers.

Fred Allard
© DR
Fred Allard
© DR

La Riviera est-elle une source d’inspiration ?

Absolument, mais ce sont surtout les artistes du mouvement de l’École de Nice, créée dans les années 1950/1970, qui m’ont inspiré, parce qu’ils se sont affranchis des codes de l’art de l’époque en s’emparant du réel pour exprimer leurs regards sur la société. Arman et ses inclusions ou accumulations d’objets, Yves Klein et son bleu profond, César et ses compressions… Je me suis nourri de leurs gestes. J’aime aussi beaucoup le travail des affichistes Mimmo Rotella et Jacques Villeglé, et les univers de Jean-Michel Basquiat, Jeff Koons, Takashi Murakami, Damien Hirst, ou Kaws. Je suis un artiste autodidacte. J'ai découvert l'art assez tard, même si mon père, qui était architecte, m'a transmis sa culture du beau et du design.

Fred Allard © DR

Quand êtes-vous devenu artiste ?

J’ai commencé ma carrière professionnelle en tant qu’entrepreneur dans le prêt-à-porter. J’avais même créé un site à succès consacré à la mode féminine, qui s’appelait « Vitrines Parisiennes ». Il y a eu des hauts et des bas, et à trente ans, j’étais déjà père de trois enfants. À 40 ans, j’ai eu envie de créer quelque chose qui m’appartenait. J’ai remis toute ma vie en question et ai entamé une longue psychothérapie où j’ai « vidé mon sac ». Cela a été le déclic et le départ de ma carrière artistique. J’ai voulu exprimer mes émotions et me raconter en créant, en exposant, ce que je percevais du monde. Au départ, j’ai utilisé ce que j’avais sous la main, en donnant vie à mes propres obsessions : des monticules de magazines de mode et des packagings que je surconsommais, notamment les cannettes de Coca-Cola Light et des shopping bags de marques de luxe. J’ai commencé par faire des toiles de collages de pages de mode lacérées, puis j’ai rapidement trouvé mon identité dans les inclusions et les compressions de sacs à main. Mes créations, baptisées Paper bag, Minaudière, Itbag, Malettes et Roller bag, sont des assemblages d'objets de luxe, de pop culture et de street culture. Ces éléments sont ensuite figés dans des blocs de méthacrylate translucides, dotés de poignées originales (python coloré, bouchons de parfum, chaînes dorées, etc.) et de formes variées (roller, valise, parfum...). Je capture ainsi pour l'éternité ces symboles qui me fascinent. Cela peut être un sac de la marque Chanel que je remplis de canettes de Coca-Cola Light, un sac à main Gucci bourré de sucettes Chupa Chups, un ballon de basket iconique, des volants de Formule 1, des manettes de jeux vidéo, ou encore une sneaker Nike Air Jordan contenant des parfums Coco Chanel. Je magnifie dans chaque œuvre la société de consommation, dont je suis moi-même acteur, et la dualité d’un monde paradoxal qui peut vivre en harmonie. Les premières à avoir cru en moi et qui m’ont mis le pied à l’étrier sont Nicole Rubi, qui a exposé mes œuvres dans son restaurant « La Petite maison » à Nice, et la galeriste niçoise Maud Barral, qui m’a permis d’organiser ma première exposition consacrée aux femmes. Parmi les moments forts de ma carrière artistique, je retiens ma première exposition en 2019 à New York, dans le quartier de Soho à Manhattan. Cet événement, qui s'étendait sur 3 000 m² et présentait plus de 80 pièces, était dédié au Kaiser de la mode, Karl Lagerfeld. La même année, j'ai eu l'honneur d'installer ma galerie au Lutétia à Paris, le plus prestigieux hôtel de la Rive gauche.

Fred Allard
© DR
Fred Allard
© DR

Que racontent vos œuvres « Vide ton sac », ces sculptures de résine de cristal en forme de valise cabine ?

Elles sont directement inspirées de ma longue période de remise en question. Mes sculptures Vide ton sac sont particulièrement symboliques, mixant geste introspectif et show off, paradoxe majeur de la société actuelle. J’invite mes clients à couler dans la résine de cristal transparente des objets symboliques et personnels, très intimes, pour en créer une œuvre sur mesure qui met à nu, alors que, par convention, le contenu d’un sac est privé. Le pilote de F1 monégasque Charles Leclerc, les footballeurs Neymar et Raphaël Varane, le champion du monde de moto niçois Fabio Quartararo, ou encore le skieur alpin Alexis Pinturault, ont chacun « vidé leur sac », et créé leur œuvre exclusive et inclusive en choisissant plusieurs objets intimes qui racontent leur vie. En tant que passionné de sport, ce fut une expérience enrichissante de travailler avec des athlètes qui partagent les valeurs de dépassement de soi et d'effort que je promeus. Par exemple, Neymar avait choisi ses crampons, son premier casque de musique aux couleurs du Brésil et sa médaille olympique de 2016, tandis que Charles Leclerc avait opté pour la paire de ciseaux de sa maman coiffeuse et le stylo de son père avec lequel il avait signé son contrat chez Ferrari.

Charles Leclerc © DR

Vous produisez vos œuvres localement et travaillez en famille. Pourquoi avoir choisi d’installer votre galerie à Nice ?

C’était mon rêve d’ouvrir ma galerie à Nice, et je crois profondément à son emplacement qui est pour moi la plus belle avenue de la Côte d’Azur. Nous sommes entourés des plus belles adresses mondiales d’hôtellerie et d’enseignes de mode qui inspirent beaucoup mes créations. Nous avons imaginé la galerie avec ma fille Estelle, directrice de la galerie, avec le concours de l’architecte France Bittel, du cabinet Bleu Gris, comme un hôtel particulier immersif. Je vous invite chez moi, parmi mes œuvres, mises en scène dans une décoration ultra design, et une bibliothèque de livres et d’objets qui m’entourent au quotidien. Au premier étage, plus intimiste, j’accueille les collectionneurs et ceux qui souhaiteraient vider leur sac ! Au sous-sol, sur 130 m2, nous sommes en train de reproduire mon atelier de Saint-Laurent-du-Var où je fabrique mes œuvres, afin de permettre aux clients de s’immerger dans mon univers. Toutes mes œuvres sont fabriquées à moins de 10 km de la galerie, dans l’atelier dirigé par mon fils Raphaël, que j’ai formé à ma technique de fabrication, résultat d’années d’expérimentations. Il est même meilleur que moi désormais ! En tout, nous sommes une dizaine de collaborateurs, dont mon gendre et ma belle-fille, et des amis très proches. C’est important pour moi de préserver cette intimité, et je suis le plus heureux de travailler au quotidien avec mes enfants. Il y a beaucoup d’instinct, de confiance, de générosité et d’amour dans cette aventure que l’on construit ensemble, même si c’est parfois rocambolesque. Je suis le spectateur privilégié de leur évolution, et cela n’a pas de prix pour un père !

Galerie Fred Allard © DR

Quel est aujourd’hui votre réseau de distribution ?

J’ai la chance d’être vendu dans une trentaine de galeries à travers le monde, aux États-Unis à New York, à Miami, à Las Vegas, à Aspen, en Europe, en Suisse, en Belgique, en Italie, en Grèce, mais aussi au Moyen-Orient. Nous produisons des pièces uniques non sous-traitées, fabriquées à la main en quantité limitée, qui se vendent entre 5 000 et 100 000 euros. Je suis un artiste, mais j’ai l’âme d’un entrepreneur, nous réfléchissons donc beaucoup à notre stratégie commerciale. Nous avons mis en place des drops de collections limitées à des prix plus accessibles (entre 300 et 1 500 euros pour une digigraphie numérotée) plusieurs fois par an, afin de démocratiser mon travail, car je refuse l’idée de l’élitisme dans l’art. Le prochain drop aura lieu ce mois-ci sur mon site ! Restez connectés ! Grâce à la galerie, nous organisons également des évènements tous les mois, comme des dîners privés de collectionneurs. À l’occasion de la création de ma sculpture monumentale The Kaiser en collaboration avec Jean-Roch, où j’avais moulé un Bearbrick à l’effigie de Karl Lagerfeld validé par lui-même en 2018, nous avions, par exemple, organisé une soirée exclusive à la galerie, énergisée par le célèbre DJ azuréen Mozart du collectif Limelight, pour célébrer le regretté empereur de la mode, mais aussi l’art, la musique, et le monde de la nuit. Mon prochain rêve ? Vider le sac de la ville de Nice en version monumentale ! Avis aux lecteurs…

Galerie Fred Allard © DR
No items found.

Cover : Fred Allard © DR

No items found.

Lieux Associés

Fred Allard
September 27, 2024

Fred Allard

Nice

Lieux Associés

No items found.