Gaëlle Simon, poétesse : « Il paraît que la vie est belle ! »

Elle prend des photos depuis toujours pour rendre le quotidien merveilleux et capturer le temps. Elle est devenue artiste, poète, illustratrice, vidéaste et surtout humaniste. Portrait.

« Je me souviens, enfant, d’avoir pris des photos avec les appareils jetables que l’on m’offrait, et j’étais particulièrement fascinée par les albums photos où l’on parcourait les pages en racontant des anecdotes. Dans l’un d’entre eux, on me voit enfant prenant mon reflet dans une vitre, puis prendre des fleurs, des détails, des visages. Dès le départ, ce qui m’a attiré dans la photographie était de capturer le temps qui passe, de figer un moment qui existera pour toujours. Je voulais faire vivre éternellement ma grand-mère, par exemple. Et puis, sur les photos, les gens semblaient plus heureux que dans leur vie quotidienne, j’aimais les voir sourire. Cela me permettait aussi de survivre dans un monde d’enfant qui peut être cruel. Le présent semblait parfois trop décevant, alors photographier me prouvait que la vie était belle, aussi jolie que les photos de jeunesse de ma mère. »

En 2014, après des études d’arts plastiques à Nice, un Master en Information Communication, et sans vraiment croire à sa future carrière de photographe, Gaëlle Simon poste une vidéo sur YouTube avec deux amis étudiants : une reprise du clip de « Happy » de Pharrell Williams où elle faisait danser 72 jeunes niçois. Un shoot de bonne humeur qui fit le buzz instantanément en rapportant plus de 450 000 vues et un appel téléphonique de la metteuse en scène Irina Brook, à l’époque directrice du Théâtre National de Nice. Elle avait adoré la réalisation de la vidéo, et lui proposa d’intégrer le théâtre pour raconter au quotidien, et en vidéo, les coulisses du TNN. « La rencontre avec Irina Brook m’a profondément marqué. On s’est comme reconnues. J’ai adoré plonger dans les coulisses de ce théâtre où Irina avait composé une troupe. Il y régnait un esprit familial qui créait un lien unique entre le public et les acteurs. J’ai été littéralement fascinée par cette machine à rêves, les projecteurs, l’adrénaline de moments uniques et d’être immergée durant cinq ans dans la vie intime des acteurs. Je me suis sentie à ma place parmi eux et je me suis reconnectée avec l’artiste en moi. Je passais de mes études en communication à un univers artistique où tout devenait possible. Je ne suivais plus la mode ou les tendances, mais j’allais chercher quelque chose de très humain et d’authentique au fond de mon cœur d’enfant toujours présent. »

En 2017, portée par cet élan du cœur, Gaëlle initie un projet un peu fou, « Très petites histoires d’amour », pour partager sa poésie avec les gens, à la manière d’Amélie Poulain, célèbre personnage du film de Jean-Pierre Jeunet, dont elle est évidemment fan. « Je voulais démontrer que la vie est remplie de petits moments d’amour. J’ai donc créé des petits trésors très fragiles, des moments de vie à préserver, sous forme de photos de rue en très petit format, pliées et entourées de papier et de ficelles. Elles représentaient des enfants dansant, des volets ouverts, un chat, un cycliste… Pour savourer les images, il fallait ouvrir le pliage qui les entourait avec précaution, comme une métaphore sur le fait de prendre le temps d’apprécier ces instants de vie, à l’opposé de la société actuelle qui ne cesse de scroller sur son écran de téléphone. Je voulais exprimer par ce geste symbolique qu’il faut prendre le temps de vivre le présent. » Gaëlle se rend un peu partout en France, de Bordeaux à Paris, en passant par Lyon, Montpellier, Toulouse, Nice, mais aussi le Canada, et dépose au hasard ses photos « surprise » dans des cafés populaires comme un sillage d’amour. « J’ai reçu plusieurs témoignages, un an, voire deux ans après, car j’y avais laissé l’adresse de mon compte Instagram ! »

En 2018, après une année tumultueuse dont la vie a le secret, Gaëlle décide d’exposer de nouvelles photographies accompagnées de textes à Nice, lors de l’exposition « Boum Boum » en collaboration avec la peintre Ja, la Galerie Martin Sauvage et le festival Femmes en Scène. « C’était un saut dans le vide pour moi, car j’affichais ici des textes très intimes, mais j’ai eu des retours très positifs comme cette jeune femme en fauteuil roulant qui s’était mise à pleurer en lisant mes textes, me confiant que j’avais réussi à exprimer ce que son cœur cherchait à dire. Ce moment m’a confirmé dans la voie de l’écriture. » L’artiste s’essaie aussi à l’illustration la même année, en collaborant avec l’Opéra de Monte-Carlo en dessinant « La petite maison de l’Opéra », carte dépliante qui expliquait l’opéra aux enfants.

Une idée d’oracle en forme de jeu de cartes lui vient instantanément. « En piochant une carte au hasard que j’allais illustrer et légender, je pourrais ainsi rendre la vie des gens plus belle et plus poétique. Je pourrais les aider à mettre des mots et des conseils sur ce qu’ils traversent, et sur ce que je traversais par la même occasion. Je voulais que le jeu serve aux adultes et aux enfants. J’ai démarché un seul éditeur, « Contre-Dires », et il a directement accepté mon projet ! Je me sentais formidablement alignée au monde. » Le coffret de 70 cartes « Au petit bonheur », oracle introspectif, philosophique, poétique et artistique, pour petits et grands, est né en 2022. Au hasard des cartes, on peut trouver : « Saute le pas ! », « Après la pluie apparaît l’arc-en-ciel » ou encore « La beauté des failles », formidablement illustrée, résultat de la transmutation de chacune des expériences de l’artiste en une couleur. Gaëlle l’introduit ainsi : « Je l’ai imaginé comme un compagnon poétique qui offrirait chaque jour à votre vie un peu de magie, il accompagnera vos joies et vos peines, comme un poème. »

En 2021, elle revient à la photographie et précise une démarche humaniste. Inspirée du courant photographique célébré par Robert Doisneau, Henri Cartier-Bresson, Willy Ronis ou Sabine Weiss. Elle décide de photographier la vie quotidienne en poésie lors de résidences artistiques. « Ce que j’aime dans ce type de photographie est de saisir les instants d’humanité dans les regards, de photographier les gens comme des photos de famille, de donner de la valeur à tous, peu importe l’âge ou la classe sociale. Quand on photographie quelqu’un, on lui donne de l’importance, on le valorise. » Après celui d’un théâtre, elle s’intéresse au quotidien d’une colonie de vacances à Auron, dans les montagnes niçoises, en donnant des ateliers photographiques et en immortalisant tout ce qui s’y passait, en noir et blanc. « Durant l’enfance, toutes les émotions sont décuplées, ce sont des moments hors du temps qui marquent à vie et c’est merveilleux à photographier. » Ce moment lui permet aussi de se réconcilier avec son enfance : « J’ai été victime de harcèlement scolaire. J’étais souvent à part, en décalage, triste. Je pense que si l’enfance est si présente dans mon travail, c’est pour réparer cet endroit si fragile en moi. »

L’année suivante, Gaëlle se fond dans le décor du centre social « Le Village » dans le quartier Zone d’Éducation Prioritaire de l’Ariane à Nice. « Ce quartier m’a profondément marqué par son élan de solidarité. Au sein du centre social où je donnais des cours de communication aux jeunes du quartier, j’y ai ressenti une très forte humanité. Ces jeunes ont d’ailleurs obtenu un prix cette année-là dans le cadre de l’Observatoire des solidarités. Une fierté pour eux et pour moi ! Tous les a priori sur ce type de quartier a été balayé d’un revers. »

Gaëlle s’est aussi investie dans un nouveau projet humaniste, « Souvenirs du présent », en immersion à l’EHPAD de La Croix Rouge Russe à Nice. « J’ai aimé passer du temps avec ces personnes âgées, les photographiant dans leurs chambres. Ce qui ressort de nos rencontres raconte la vie, qui est valable, même si elle est proche de la fin. »

Gaëlle Simon a exposé ses images dans de nombreux lieux de la Côte d’Azur et vendu ses photographies aux quatre coins du monde avec la Galerie Martin Sauvage. Elle poursuit son projet de photographie humaniste sous forme de résidences artistiques ou de commande pour des institutions culturelles, comme celle de la médiathèque de La Trinité, près de Nice, dont elle est originaire, qui lui a demandé de réaliser des portraits de personnes qui ont vécu la libération de la France en 1945, à l’occasion des Journées du Patrimoine. Elle donne aussi des cours et ateliers de photographie, et transmet ainsi l’étincelle du rêve qui brille encore dans son cœur d’enfant. En parallèle de l’exposition sur Berthe Morisot, première femme peintre impressionniste dont le travail est exposé actuellement au Musée des Beaux-Arts Jules Chéret à Nice, elle donne des cours de photographie impressionniste sur des pointus, ces célèbres bateaux de pêche traditionnels provençaux, utilisés par Berthe Morisot pour peindre. Gaëlle Simon livre lors de ces sessions tous ses secrets de photographie de reflets, mouvements et vitesse afin de raconter en photo les émotions. Les photographies des participants seront par ailleurs exposées à l’occasion des Journées européennes du patrimoine. «Ce projet est venu à moi un jour où je me faisais la réflexion que j’avais envie de voir l’exposition sur Morisot, et quelques minutes plus tard je recevais un appel pour ce projet : c’était incroyable ! Mais il paraît que la vie est belle et c’est ce que je me répète sans cesse. Tout ce qu’il se passe dans le monde me déprime et parfois je perds du sens dans ma propre vie, je la trouve difficile, puis je me souviens de ce mantra « il paraît que la vie est belle » et je me relève. Puis, il y a toujours un rayon de soleil, une ombre qui va m’inspirer. Parfois, le soleil est tout petit par rapport à l’immensité qui nous désespère, mais cette petite lumière existe. Si on entraine son regard, on peut la trouver partout, si on prend le temps de la chercher. La poésie est omniprésente, comme cette fleur qui pousse en plein milieu du bitume. C’est à elle qu’il faut penser sans cesse. »

Le baiser
Souvenirs du présent
Tes yeux
Vivre et photographier
Il parait que la vie est belle
Confiance
Des milliers de soleils
L'amour
M'accepter pleinement
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Actualités

 

  • Atelier photographique en partenariat avec l’exposition Berthe Morisot à Nice. Escales impressionnistes. Le 19 septembre 2024, sur inscriptions : www.musee-beaux-arts-nice.org. Les photographies seront exposées au musée les 21 et 22 septembre 2024, à l’occasion des Journées européennes du patrimoine.

 

  • Mémoires, exposition de textes et de photographies à la Médiathèque Les Quatre-Chemins de La Trinité en septembre 2024. Recueil d’histoires et de témoignages de Trinitaires de la Libération à aujourd’hui (dans le cadre des 80 ans de la Libération – Journées européennes du patrimoine).

 

  • Les chemins de désir, Nicolas Deliau & Gaëlle Simon. Jeu de cartes introspectif et concret pour créer sa voie (à défaut de la trouver). Autoédition. Financement participatif fin 2024.

 

http://gaellesimon.fr

https://www.instagram.com/gaellesimon/

Photos : Aurélie Juan, Gaëlle Simon

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