L’électro poétique de The Avener

Le compositeur et DJ niçois de 37 ans Tristan Casara, alias The Avener, est en tournée mondiale depuis le mois de mai pour fêter les 10 ans d’une carrière flamboyante. Il revient sur l’histoire d’un succès presque irréel.

Le rendez-vous est pris avec l’artiste pour une interview par téléphone à 19 heures, entre deux avions : « Je viens de me réveiller, il y a une minute. J’étais à Paris, Bonifacio, New York, et en ce moment je souffle quelques jours chez moi, à Nice, avant de repartir pour plusieurs dates en France et en Suisse. Ce rythme est effréné, mais dans ces périodes, le chaos qui m’accompagne est nécessaire, car je suis là pour mettre de la folie dans ce monde ! » Cet été, il mixera sur ses terres à Cannes, aux Plages électroniques, puis à Saint-Jean-Cap-Ferrat, très heureux de retrouver sa famille et ses amis qui ne peuvent pas le voir jouer régulièrement comme à ses débuts en tant que DJ à Nice.

Son envie de faire de la musique apparaît très tôt : « Le premier souvenir que j’ai d’un instrument de musique est à l’âge de 5 ans. Rien ne m’amusait plus que de taper sur les touches des claviers pour enfants. J’ai intégré le conservatoire de Nice où j’ai étudié le piano durant dix ans. À l’adolescence, j’ai découvert Amon Tobin, Aphex Twin, Laurent Garnier, Daft Punk, et j’ai plongé instantanément dans le bonheur de la musique électronique, dépourvue de règles académiques. » L’artiste mixe dans des bars, des clubs, pour des anniversaires, et s’offre ses premières machines pour créer de la musique assistée par ordinateur (MAO). En 2010, il fonce à Paris, et devient « ghost producer », c’est-à-dire producteur de l’ombre pour des compositeurs déjà célèbres : « J’étais payé pour créer des suites d’accords musicaux. » Parallèlement, il construit son projet personnel, explore tous les genres, à la recherche de lignes musicales et de voix qui lui serviront de « sampling », technique qui consiste à utiliser une source sonore préalablement enregistrée pour l’intégrer dans un autre contexte musical. « J’adorais retravailler des titres qui n’avaient pas fonctionné alors qu’ils auraient dû, mais je n’osais pas me lancer. Puis, je me suis rendu compte que 90 % des morceaux produits étaient déjà samplés. Alors je me suis libéré. J’ai ouvert un livre au hasard, un bouquin sur la royauté au XVIIe siècle, et j’ai lu le premier mot qui m’inspirait. C’était “The Avener”, le palefrenier du Roi, et je m’en suis baptisé. »

C’était en 2014. Tristan, devenu The Avener, travaillait sur un morceau de Phoebe Killdeer, une chanteuse australienne née à Antibes, « Fade out Lines », qu’il avait découvert par hasard sur YouTube. « J’ai tout de suite flashé sur ce son très mélancolique et lascif, mais je trouvais le rythme trop lent. J’ai notamment augmenté sa vitesse de 30 battements par minute, et effectué un “rework”, différent du simple “remix”, qui modifie les instrumentations, la basse, etc. » Ce morceau que l’on écoutait au coin du feu s’est transformé sous ses doigts en son dansant : « Cela change toute l’intention. » The Avener propose le titre en écoute gratuite sur la plateforme de musique SoundCloud, alimentée par une communauté mondiale d’artistes, où il avait quelques abonnés. « Très rapidement, un label de musique parisien qui venait de voir le jour, 96 Musique, me contacte pour me produire, puis plusieurs majors de l’industrie musicale. » En quelques mois, le titre se hisse en tête des charts allemands, puis devient un tube planétaire. « Je suis passé de quelques milliers de vues à aujourd’hui 2 milliards d’écoutes sur ce titre, que j’ai fait co-produire par Universal et 96 Musique. Et je n’arrive toujours pas à réaliser ce qui m’est arrivé. Sauf comme il y a quelques jours, lors de mon live à New York, à Central Park, où je m’aperçois que les Américains me connaissent ! En un claquement de doigts, je suis passé de rien à tout, c’est une tempête de bonheur, de joies, de rencontres, de voyages qui m’a envahi depuis dix ans. Ceux qui fermaient les portes disent désormais oui. Heureusement que j’ai été bien entouré, car on peut facilement perdre pied. »

Nice fait partie de cet ancrage pour l’artiste : « C’est un lieu qui me permet de me ressourcer, de faire des choses simples. Je vois ma famille, mes amis, je fais du vélo jusqu’au château qui surplombe la baie des Anges et je suis toujours surpris par la beauté de cette ville. J’ai fait le tour du monde, j’adore l’Asie, mais la Côte d’Azur possède tout ! ».

Son premier album deep house au succès fulgurant édité en 2015,  « The wanderings of The Avener » (les errances de The Avener), triple disque de platine en France, disque d’or dans dix pays, Victoire de la musique électro, est un concentré de tubes et de « reworks ». L’artiste ressuscite les sons de Adam Cohen, John LeeHooker, Ane Brun ou Kadebostany pour « Castle in the snow » et affirme un répertoire multiple. « Mon style est très éclectique. Il évolue selon mon humeur du moment, je ne suis aucune tendance. Je peux faire du rock, de la pop, de la folk… Du moment que c’est bon, j’ai envie de le travailler. Je parcours les plateformes musicales dans tous les styles, toutes les époques, à la recherche de pépites. » La même année, il produit « Stolen Car » de Mylène Farmer et Sting, titre classé dès sa sortie à la première place en France. Dans « Heaven », son deuxième album, aussi doux que puissant et joyeux, sorti en 2020 et enregistré avec Rick Nowels qui écrit pour Madonna ou Lana Del Rey, The Avener multiplie les collaborations et les chansons originales : M.I.L.K., Bipolar Sunshine, AYO, et même le « rework » d’un titre de Bob Dylan, « Master of War » : « Bob Dylan avait adoré mon premier album, découvert grâce à son frère, et m’a demandé de travailler sur ce titre écrit en 1963. Un honneur pour moi. Au départ j’ai cru à une blague ! J’ai adoré collaborer sur ce son qui a du sens pour les générations actuelles. »

Le dernier opus de The Avener est sorti en juin dernier : « The Morning Sun », réinterprétation d’une chanson méconnue d’Al Barry & The Cimarrons, une des vieilles pièces reggae qu’écoutait en boucle Bob Marley. « J’ai commencé à travailler ce titre durant le confinement, car j’avais besoin de détente. Cela m’apaisait immédiatement d’écouter ce morceau enregistré dans une cave de manière artisanale. Je lui ai apporté plus de guitares, de basses, un côté plus house music, qui lui donne une sonorité house reggae remplie de sourires. Il est solaire, j’adore le jouer en live. » L’artiste le reconnaît, il ne se sent jamais aussi bien que quand il est sur scène : « Dans la vie, je suis un anxieux, je suis perfectionniste, en permanence dans le doute, et j’ai toujours autant le trac avant mes lives, que ce soit 60 ou 100 000 personnes, comme à la Fête de l’Humanité. Mais dès que je monte les marches et que j’atteins mes machines, je me sens moi-même, utile, et le temps n’a plus d’emprise. Je me sens libre de diffuser un message d’amour. Voir les visages des gens heureux, les regarder danser et chanter ensemble dans une unité, crée de la paix. J’ai l’impression de leur faire oublier la lourdeur du quotidien, que leur esprit s’évade. Ce sont des moments rares que l’on ressent dans une vie. On peut parfois atteindre cette émotion dans une relation d’amour. » Son plus grand souvenir ? « Lors du festival des Vieilles Charrues, en Bretagne, en 2016. C’était deux jours après les attentats de Nice et j’avais failli annuler ma prestation. Finalement, j’y suis allé et j’y ai joué « Imagine » de John Lennon, en hommage aux victimes, dont mon amour de jeunesse et sa maman. 50 000 personnes chantaient pour me soutenir et donner de la force à Nice. Un moment inoubliable. »

Après la sortie estivale de « The Morning Sun », un nouvel album verra le jour en janvier 2025, à l’occasion d’un concert à l’Olympia à Paris. « Depuis 2015, j’ai produit un album tous les cinq ans. Mes labels Universal et Capitol Music ont compris mon rythme et ne me mettent pas la pression. Je prends le temps de tout faire seul, chez moi, à Nice, sans “beatmakers”, Je ne veux pas faire de morceaux qui se périment rapidement et je peux passer plusieurs mois à peaufiner un titre, le laisser reposer, pour qu’il soit accompli. Je veux faire les choses avec relief et sincérité, insérer de la profondeur, de l’émotion, tout en utilisant mon apprentissage classique. Je ne veux pas être un simple jukebox, mais un artiste qui fait de la musique électronique poétique. »

 

 

The Avener se produira le 18 août aux Plages Électroniques à Cannes et le 24 août au festival Crossover Summer à Saint-Jean-Cap-Ferrat.

Toutes les dates de la tournée : http://www.theavener.com

 

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Crédits photos : © Samy La Famille, Jean-Baptiste Gurliat

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July 3, 2024

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