L’automne sur la Côte d’Azur réserve quelques belles journées aux amateurs et aux passionnés de yachting. Changement de décor dans le port de Cannes où les motoryachts du Festival de la Plaisance ont cédé la place aux plus fabuleux grands voiliers qui ont écrit l’histoire du yachting classique.
Six jours de régates intenses
Ils arrivent en ordre dispersé pour prendre leur place au quai Laubeuf. Tous plus rutilants les uns que les autres, ils arborent des vernis irréprochables reflétant la tendre lumière de cette fin septembre. Les bronzes, les cuivres et les inox brillent, et les équipages s’activent pour la manœuvre d’accostage qui doit être irréprochable. La moindre erreur ne manquerait pas de provoquer quelques quolibets dont les marins sont friands. « Casser du bois » constitue, pour cette petite communauté, la pire chose qui puisse arriver et pourrait amener le voilier à se retirer de la compétition. Dès la sortie du port, les voiles sont hissées en fonction du vent et des prévisions, sachant que les plus grands sont en mesure de naviguer une heure après avoir quitté le quai !
Royale élégance
Il faut remonter à la fin du XIXe siècle pour découvrir les prémices de cette épopée aux multiples rebondissements. La baie de Cannes est le plan d’eau le plus à même de devenir le berceau du yachting et de la régate, et quelques passionnés se font construire des voiliers de taille modeste.
L’engouement pour ces régates ne se dément pas au fil des Années folles qui voient arriver les grandes fortunes et les têtes couronnées ainsi que les élégantes yachtswomen. C’est une époque bénie pour les architectes, le plus fameux d’entre eux, William Fife, également constructeur à Fairlie en Écosse, va marquer l’histoire de la grande plaisance. Aujourd’hui, les voiliers arborant le dragon à l’étrave continuent de susciter l’admiration et de briller lors des rassemblements de la Grande Classe tels que les Régates Royales.
Les années 1930 seront l’âge d’or, voyant les meilleurs régatiers européens débarquer à Cannes, parmi eux, Christian X, Roi du Danemark, dont les résultats en régate ne sont pas de complaisance. Pour assouvir sa passion, le Monarque a demandé aux architectes de dessiner des voiliers de régate de même jauge, ainsi naissent les classes métriques, 8m, 6m et 5,5m bientôt rejoints par les Dragons. Entre crises économiques et conflits mondiaux, le temps n’est plus aux folles dépenses, le glas semble sonner pour la Grande Classe. En signe de reconnaissance envers le Roi du Danemark, fidèle aux régates de Cannes pendant plus de dix ans, la Société des régates cannoises décide de changer le nom de ces régates, les Régates Royales sont nées.
Renaissance des « Royales »
Après quelques décennies d’absence, il faut attendre les années 1990 pour voir revenir les premiers grands voiliers Classiques et Tradition. Elizabeth Meyer et Endeavour sont une source d’inspiration pour les Régates Royales. Chaque année de nouvelles étraves pointent dans le port de Cannes : les trois-mâts Créole et Adix suivis par la goélette Orion (1910) marquent cette renaissance.
La conservation de ce patrimoine maritime et culturel amène de nouveaux armateurs aux finances solides à restaurer ces anciennes gloires. Les charpentiers de marine retrouvent leurs lettres de noblesse et se lancent dans des chantiers de restauration. Nombre de ces yachts, souvent à l’abandon dans des vasières ou oubliés au fond des ports, nécessitent de longs et coûteux travaux de reconstruction. L’époque est euphorique et ces passionnés et mécènes nous offrent aujourd’hui le bonheur de voir naviguer à nouveau ces yachts classiques que sont Tuiga, Lady Anne, et tant d’autres.
« Champagne Sailing »
C’est le nom qu’ont donné les anglo-saxons à ces journées ensoleillées autant que ventées à souhait permettant aux Classiques et aux Traditions de régater dans la baie de Cannes. Conditions également idéales pour les Métriques et les Dragons se disputant dans la baie de Golfe Juan le titre suprême dans leurs catégories respectives. « L’after Regata » constitue un autre moment fort de ces journées. À grand renfort de bières, les acteurs burinés refont la régate sur la terrasse dominant le quai, et quand vient le soir le spectacle continue en contemplant les gréements généreusement éclairés pour le plus grand bonheur des spectateurs.