Fresquiste et céramiste, Franck Lebraly le peint haut et fort : « Make the South great again ! », traduction : que l’âge d’or artistique de la Riviera renaisse ! Ce mantra est la toile de fond de son travail onirique, qui vénère une Riviera surannée, irréelle, éternelle.
Ce sudiste, né à Cannes d’origine sicilienne, a grandi dans une famille d’artistes : son père était restaurateur d’objets anciens et ses grands-pères, peintre en lettres et ébéniste. « D’autant que je me souvienne, on m’a toujours mis en main un crayon, et j’ai adoré instantanément ces moments d’évasion. Se perdre dans la feuille blanche, créer en partant de rien, ou interpréter ce qui est devant soi. » Pour les études, ça sera donc l’histoire de l’art à Aix, design graphique à Nice, puis les arts appliqués à Toulon. Diplômes en poche, il file à la capitale et devient graphiste et directeur artistique, notamment chez Publicis et Havas. Il crée des concepts pour Renault, Slate, Greenpeace, Hermès…
Le déclic pour se lancer en tant qu’artiste ? La crise sanitaire. À l’époque, les missions publicitaires s'amenuisaient, lui laissant le temps de travailler avec la mère de son enfant, Stéphanie Lizée, architecte d’intérieur, qui planchait sur un projet de décoration d’hôtel dans le sud : l’hôtel « Le Sud », justement. À Juan-les-Pins. « On s’est dit que ça serait cool de faire quelques peintures au mur. Alors que mon style de départ est influencé par les storyboards de cinéma, les croquis d’Enki Bilal ou de Giacometti aux traits multiples, je suis allé à contre-courant. J’allais tatouer avec des esquisses minimales et élégantes la peau des murs de l’hôtel, en rendant hommage aux légendes artistiques qui ont magnifié la Côte d’Azur dans les années 1950 et 1960, à son âge d’or : Picasso, Leger, Cocteau, Klein… » Le résultat est jaune soleil, bleu joyeux, terracotta apaisant : c’est la dolce vita.« J’étais encore en confinement à Paris lorsque j’ai imaginé la figure centrale, une fenêtre en trompe-l’œil qui est un rêve de liberté. C’est le souvenir d’une entrée en arcade qui se trouve dans la maison de mes parents, au Cannet. On se rend compte du trésor d’avoir la chance de vivre dans le sud lorsque l’on s’en éloigne. Cette fenêtre et les objets totems de mes fresques, c’est le sud que j’aime. Là où la vie est plus simple, douce. Je n’utilise qu’une couleur, voire deux ou trois, et je représente des corps suggérés dans des paysages, la plupart du temps maritimes, parsemés de traits d’horizon, de vagues. Tout autour peuvent apparaître des palmiers, des citrons, des poissons, ou des oursins. Une femme est souvent là, comme une illusion de Dora Maar, la muse de Picasso, mythe inoxydable. Mes dessins sont la vision d’un réveil de sieste sur la plage, lorsque l’esprit est encore étourdi de rêveries. » Depuis ce projet, tout est allé très vite. Franck Lebraly est sollicité pour tatouer les murs de dizaines de lieux : le siège de la société L’Occitane à Paris, les hôtels Belle Vue à Cavalaire et Bleu à Carry-le-Rouet, les restaurants Maison Fonfon à Monaco ou La Bambola à Cannes, les plages Baba au Cap d’Antibes, La Mandala à Cannes, Momo Bodrum en Turquie, ou des établissements à Megève.
Parmi ses dernières fresques, il y a l’hôtel des Académies et des Arts à Paris, repère d’artistes de la Belle Époque. Franck Lebraly s’est servi des plafonds des chambres comme d’une toile, dans un travail pictural au pastel à l’état d’ébauche, chacun rendant hommage aux artistes passés par là : Gauguin, Foujita, Modigliani…
L’artiste conçoit aussi des bas-reliefs, à la manière de Fernand Leger, et des céramiques. Pour la marque Enamoura, il a créé un semainier d’assiettes, et il a dessiné récemment 400 assiettes à la main pour le restaurant cannois La Bambola ! Après plusieurs expositions de son travail à Marseille et à Paris, il peindra cet été les plafonds d’un particulier à Ajaccio, et les murs d’un vignoble transformé en hôtel dans le Var pour le groupe LVMH. Aujourd’hui, l’artiste vit entre Paris, où réside son fils, et Le Cannet. « À Paris, je suis dans le flux de l’actualité, des tendances inspirantes, et je peux créer. Il faut que le Sud me manque pour cela. Ensuite je descends m’abreuver quelques jours de la lumière unique de la Riviera, de son bleu, de sa simplicité. Puis je repars, dans le brouillard de Paris, étape nécessaire à mon processus créatif. »
Franck Lebraly expose ses toiles et céramiques chez Cobalt, à Nice, et à la Galerie Gabel à Biot. Il expose des verres et des carafes en collaboration avec Sophie Ferjani, à Marseille.